Puis soudain une détresse sourde s’empare de moi en rentrant au milieu des cartons. On doit déménager, on a vendu l’appartement et pas encore acheté le nouveau. Il va falloir serrer les dents, partir, dire aurevoir à mon premier chez-moi, veiller l’enfant, l’allaiter, rester active, ne pas penser à ce douloureux coccyx abîmé, l’allaiter encore, le rassurer, ne pas stresser, dormir quand on peut, se doucher quand on peut, l’allaiter encore, chercher des affaires propres au fond du sac, manger quand on peut, ce qu’on peut, trouver des stratégies pour gérer un périné hors service, apprendre à le laisser pleurer un peu sans se sentir mourir, l’allaiter toujours, ne pas s’en prendre à papa qui est obligé de finir son stage de fin de formation, surtout ne pas en vouloir à la terre entière pour que ce tout petit nouveau né n’absorbe rien de cette galère.
Mais moi j’ai une chance folle : j’adore mon mari et j’adore mon enfant. Ce qu’on vit, ce n’est que des galères de gens heureux. Les mères témoignent aujourd’hui sur leur difficulté d’attachement, sur leurs pensées suicidaires, sur leurs maux physiques et psychiques liés à leur maternité. Parlez mesdames, parlez. Parce que même dans le meilleur contexte possible, avec de la thune, du soutien et une santé mentale au top, accueillir l’enfant est épuisant. Dans votre nouvelle barque au milieu d’un océan inconnu, faut faire face aux rafales incessantes jusqu’à la prochaine acalmie. On dit que ça passe très vite, alors que les premiers mois me paraissent des années, et je culpabilise de les ressentir quand j’entend les expériences catastrophiques d’autres parents. Mon petit garçon dort, mange beaucoup, n’a aucun problème de santé. Tout va bien et pourtant j’ai l’impression que rien ne va plus.
Quelques références qui me semblent aujourd’hui indispensables, c’est le podcast de Sage Meuf, qui analyse toutes les déflagrations qu’engendrent une naissance. En l’écoutant mettre des mots sur ce qu’on vit, ça permet de prendre de la distance, ça réconforte. Le témoignage -admirable- de Chantal Birman qu’Aude Pépin filme dans “A la vie”. Une vision objective de ce que nous vivons, et comment nous sommes prises en charge une fois l’accouchement terminé. Ca me donne le courage de demander de l’aide quand je désespère une semaine avant de reprendre le boulot que mon petit garçon prenne le biberon. C’est enfin les podcasts de Marine Revol, qui m’inspire et me motive à être la meilleure maman du monde. Rien que ça.
Etre parent c’est probablement vivre dans le doute permanent, accepter que ne rien savoir est la meilleure façon d’apprendre, que la meilleure décision à prendre est celle que l’on prend, tout simplement. Ma si belle confiance de parturiente a volée en éclat pour devenir mille questions bourdonnant dans ma tête mais c’est vrai que tout passe si vite finalement, hier tu as soufflé ta première bougie, bientôt je t’emmènerai à ton premier jour d’école et le lendemain je t’acheterai des baskets taille 44. Alors quand je ne sais pas trop comment réagir ou que j’ai juste envie de m’extraire du monde, je me laisse seulement guider par vous, toi et ton père. J’apprend à ne plus compter que sur nous-même car maintenant je vous fais confiance, insubmersiblement, à tous les deux.