Quand la nuit, motion collage video

Premier projet de motion collage (ou collage animé) d’une série consacrée à l’enfance. Quand la nuit est une berceuse vidéo, le temps d’une éclipse, sur la douce musique de Mélissa Jouvin.

Il sera diffusé lors de l’évenement Collage On Screen lors du Kolaj Fest à la Nouvelle Orléans du 7 au 11 juin prochain, parmi une sélection internationale d’artistes de motion collage.





Illustrations pour Les détails, de Cyril Viallon

 

Cyril Viallon est un chorégraphe, danseur, interprète, auteur, pédagogue (et psy) avec qui j’ai eu la chance de créer les vidéos pour deux des trois opus de sa saga Maniac, une autofiction portée sur scène. C’est aussi mon mentor et mon ami.

L’année dernière, L’Onde Théâtrale, un dispositif lillois qui propose à un-e auteur-trice et des jeunes de créer ensemble une pièce de théâtre, a proposé à Cyril de se livrer à l’exercice. A partir du thème “Les résurgences”, il a transformé la parole d’étudiants en récits intimes chorals qui interrogent notre rapport au secret, au déni, au deuil, à la maladie, et au vivant qui se niche dans les détails. Je l’ai accompagné dans ce projet avec quelques illustrations pour l’édition du livre à paraître bientôt.

Kraft, crayons, encre de chine et découpages, j’ai exploré le mouvement à partir de photos de danse de Cyril et quelques inspirations du moment (@Xiao Li). J’ai cherché le mouvement sur le papier avec mon crayon-danseur, le découpage profitant aux résurgences des lignes de corps.

Workshop Collage in practise

J’ai eu le grand privilège d’être selectionnée et gratifiée d’une bourse pour participer au workshop en ligne “Collage in Practise” organisé par le Kolaj Institute. Trois semaines pendant lesquelles j’ai réfléchi à ma pratique de collagiste, avec une dizaine d’artistes, sous l’oeil bienveillant de nos mentors Ric Kasini Kadour et Todd Bartel. Au travers des différents modules de travail et des nombreux/généreux échanges, j’ai tenté de décrire les éléments qui constituent ma démarche, de comprendre mon processus de travail, mes ressentis, mes références, mes envies, mes projets. En d’autre termes, je suis partie à la rencontre de l’artiste que je suis.

Collage in Practise Workshop Kolaj Institute

Collage in Practise Worshop - Zoom Meeting

Un programme sur mesure pour travailler sur ma fragilité à me définir en tant que tel. Au départ je dois me faire un peu violence mais très vite, et malgré la difficulté à suivre les sessions en anglais, je trouve ma place. Nous sommes tous importants, car nous sommes des individus uniques avec une expérience propre. Todd et Ric nous répètent comme un mantra, qu’être artiste c’est avant tout proposer un discours qui vient de soi.

Collage en cours de réalisation : Dévoiles ©FWD

Au bout du compte, je parviens finalement à analyser mon univers et mon imaginaire se laisse porter jusqu’à envisager de toutes nouvelles intentions de travail. Je constate que je n’ai jamais réellement anticipé aucun collage, ce sont mes mains et mes yeux qui travaillent mais j’ai souvent l’esprit ailleurs. Souvent, l’histoire qui se dégage se construit en même temps que la composition, et je suis enthousiaste à l’idée de dégager désormais une partie de recherche en amont de tout ça. Je suis tellement reconnaissante de parvenir à sortir un peu du syndrôme de l’imposteur pour voir mon avenir de collagiste sous de nouvelles lumières.










Il était long le temps passé sans l’aimer.

Porter un enfant m’a mise dans un état de confiance absolue. Je ne suis pas du tout “tombée” enceinte, comme on tombe malade. Sûre de mon envie de maternité, la grossesse m’a donné des supers pouvoirs ; d’abord aucune nausées mais une pêche d’enfer, une silhouette assumée, un diabète gestationnel qui me permet de réapprendre à manger correctement, même mes insomnies me facilitent la vie ; travailler plus longtemps en toute tranquilité et faire des siestes toute la journée -merci l’intermittence. Je nage dans un bocal de positivité. Pour tomber enceinte, j’avais déjà renoncé à des addictions bien collantes mais là j’ai gagné la cure détox ultime. Thérapeutique aussi, quand je laisse sur le divan de la sage femme bienveillante, pas mal de trauma d’utérus et de féminité.

L’accouchement c’est le début du reste de ma vie. Sans péridurale, je vais au bout de ma douleur, tellement fière, tellement mère, déjà. Aux avalanches d’ocytocine dans tous les sens, succède un long bruit rose dans lequel je me love pour regarder mon bébé. Je le connais déjà, depuis 9 mois, nous avons déjà tellement parlé. Mais je découvre son odeur incroyable, ses empreintes à peine dessinées, les plis de ses mains minuscules, ses articulations fragiles, sa petite moue à bisous. Le peau à peau dure une éternité pendant que sa toute petite âme se lie à la mienne. Papa nous veille tendrement, hors de nous rien ne compte désormais. Je me fais le serment que notre famille sera indestructible.

Puis soudain une détresse sourde s’empare de moi en rentrant au milieu des cartons. On doit déménager, on a vendu l’appartement et pas encore acheté le nouveau. Il va falloir serrer les dents, partir, dire aurevoir à mon premier chez-moi, veiller l’enfant, l’allaiter, rester active, ne pas penser à ce douloureux coccyx abîmé, l’allaiter encore, le rassurer, ne pas stresser, dormir quand on peut, se doucher quand on peut, l’allaiter encore, chercher des affaires propres au fond du sac, manger quand on peut, ce qu’on peut, trouver des stratégies pour gérer un périné hors service, apprendre à le laisser pleurer un peu sans se sentir mourir, l’allaiter toujours, ne pas s’en prendre à papa qui est obligé de finir son stage de fin de formation, surtout ne pas en vouloir à la terre entière pour que ce tout petit nouveau né n’absorbe rien de cette galère.

Mais moi j’ai une chance folle : j’adore mon mari et j’adore mon enfant. Ce qu’on vit, ce n’est que des galères de gens heureux. Les mères témoignent aujourd’hui sur leur difficulté d’attachement, sur leurs pensées suicidaires, sur leurs maux physiques et psychiques liés à leur maternité. Parlez mesdames, parlez. Parce que même dans le meilleur contexte possible, avec de la thune, du soutien et une santé mentale au top, accueillir l’enfant est épuisant. Dans votre nouvelle barque au milieu d’un océan inconnu, faut faire face aux rafales incessantes jusqu’à la prochaine acalmie. On dit que ça passe très vite, alors que les premiers mois me paraissent des années, et je culpabilise de les ressentir quand j’entend les expériences catastrophiques d’autres parents. Mon petit garçon dort, mange beaucoup, n’a aucun problème de santé. Tout va bien et pourtant j’ai l’impression que rien ne va plus.

Quelques références qui me semblent aujourd’hui indispensables, c’est le podcast de Sage Meuf, qui analyse toutes les déflagrations qu’engendrent une naissance. En l’écoutant mettre des mots sur ce qu’on vit, ça permet de prendre de la distance, ça réconforte. Le témoignage -admirable- de Chantal Birman qu’Aude Pépin filme dans “A la vie”. Une vision objective de ce que nous vivons, et comment nous sommes prises en charge une fois l’accouchement terminé. Ca me donne le courage de demander de l’aide quand je désespère une semaine avant de reprendre le boulot que mon petit garçon prenne le biberon. C’est enfin les podcasts de Marine Revol, qui m’inspire et me motive à être la meilleure maman du monde. Rien que ça.

Etre parent c’est probablement vivre dans le doute permanent, accepter que ne rien savoir est la meilleure façon d’apprendre, que la meilleure décision à prendre est celle que l’on prend, tout simplement. Ma si belle confiance de parturiente a volée en éclat pour devenir mille questions bourdonnant dans ma tête mais c’est vrai que tout passe si vite finalement, hier tu as soufflé ta première bougie, bientôt je t’emmènerai à ton premier jour d’école et le lendemain je t’acheterai des baskets taille 44. Alors quand je ne sais pas trop comment réagir ou que j’ai juste envie de m’extraire du monde, je me laisse seulement guider par vous, toi et ton père. J’apprend à ne plus compter que sur nous-même car maintenant je vous fais confiance, insubmersiblement, à tous les deux.

Suicide atmosphérique et plastique au Sénégal

La première pollution qu’on remarque en arrivant au Sénégal c’est celle de l’air. Le nuage permanent au dessus des têtes chargé de gaz d’échappement est visible à l’oeil nu. L’OMS alerte sur l’atmosphère de la capitale qui serait la deuxième ville la plus polluée du monde, à coup de mondialisation, de dirty diesel et de vieilles bagnoles rafistolées. Mais c’est bien entendu tout le pays qui en train d’étouffer sous les effets du manque de législation sur les normes polluantes des industries et des véhicules, de la corruption généralisée des instances de contrôle, de la mainmise des pays capitalistes sur les initiatives d’économies circulaires et des lacunes sur les dangers de la pollution plastique au sein des foyers, le tout cultivé par l’absence de débat politique sur le sujet.

Île de Gorée, décembre 2021 ©FWD

Le péril plastique est ici de l’ordre du quasi vivant, fusionnant progressivement avec le sable, les plages, les arbres, les routes, les animaux, les habitats, les habitants. Des panoramas déchetterie pour un pays au bord de l’asphyxie. C’est sans compter sur la malveillance de l’Europe qui continue de considérer l’Afrique comme un pays poubelle, totalement décomplexée d’y jeter ses déchets plastiques (cf notamment le scandale du géant maritime Hapag Lloyd en détail ici ). Awa Traoré, chez Greenpeace Afrique s’insurge : “Il est temps de mettre fin à cette colonisation des déchets qui touche à la dignité humaine ». Le néo-colonialisme à la sauce plastique accompagne parfaitement l’exploitation abusive des ressources du continent africain.

Alors les initiatives individuelles et locales de gestion des déchets font figure d’exceptions ; l’entreprise Proplast à l’initiative de Germaine Laye et de ses soeurs, usine de valorisation des matières plastiques, Modou Fall, l’homme plastique, qui arpente les rues de Dakar en costume de déchets pour sensibiliser à la question, et tous les petits collecteurs, à pieds ou à cheval, as de la récup’, souvent méprisés et pourant tellement vertueux.

© Clément Tardif / Greenpeace

A Gandiaye, Kahone et Keur Madiabel, communes de l’intérieur du pays, dans la région de Kaolack, accompagnées par l’ONG Caritas Kaolack, en partenariat avec Autre Terre, l’expérience des coopératives de gestion des déchets solides, organisées entre habitants et communes semble porter ses fruits.

Même si je n’ai pas attendu d’être en Afrique pour être sensible à cette question, mon fils vivra probablement une partie de sa vie au Sénégal et je cherche un moyen de participer à un changement, une initiative peut être, ou ne serait-ce qu’une simple prise de conscience. Pour le moment, si j’aborde le sujet, j’ai l’impression de piétiner des certitudes avec mes grandes bottes occidentales donneuses de leçon. Et la sensation que limiter la consommation de plastique, c’est les priver d’un erzatz de modernité. Par ailleurs je vois bien que les problématiques de survie quotidienne sont déjà dans la plupart des foyers trop délicates pour faire place à des considérations écologiques.



Pourquoi j'ai quitté les réseaux sociaux

 

Nobody likes me ©iheart

Ça vient d’un simple constat facile à observer ; les réseaux sociaux rendent tristes et cons.

En 2009 avec mes copines Les Chiennes Savantes on adaptait au théâtre La Rage du Sage d’Alain Damasio, un pamphlet politique joyeux et intelligent qui nous propose de résister individuellement aux technococons qui nourissent le capitalisme, en organisant une révolte virale qui vient du dedans (sister resist), le texte en ligne est à lire ici.

J’ai pourtant mis du temps à accepter que j’étais moi-même un citoyen-bulle, avide de mon propre écho. Regarder la vie des autres pour y comparer la mienne et la mettre en scène. Sans être une stalker acharnée je me nourris des feeds, je travaille mes publi comme une vitrine, j’ai une liste de hashtags par thème et je passe du temps à relier mes comptes google-facebook-insta en me persuadant que je ne le perd pas, le temps. Entre exhibo et voyeurisme, je gagne de la “visibilité” aux yeux de ceux qui scrollent mais ne regardent pas. Je pense éviter les influenceuses mais elles me rattrapent dans les algorithmes et là, c’est la guerre des clones version smartphone ; les super-mamans, les super-cuistots, les supers-meufs, plus elles mettent la pression plus je consomme du temps d’écran. Le bonheur compulsif comme norme de vitalité. Se perdre dans la toile et pourtant continuer de la tisser.

Un jour j’emmène mon téléphone aux toilettes, et je me demande où sont passé les magasines et les BD. Le soir il est à côté du lit pour le réveil du matin mais je passe 1h30 à bailler en zappant les stories. Je regarde mon fil d’actu puis je regarde mon fils et je me demande quel modèle je vais donner. Après je découvre aussi les chroniques d’Infernet de Pacôme Thiellement sur Blast qui me mettent la chair de poule.

Alors ça devient une question de cohérence ; les réseaux sociaux ne participent pas à un meilleur vivre, ils m’empoisonnent insideusement car je participe à un système que je ne cautionne pas intellectuellement. Soit je reste dans le déni cognitif, soit je quitte les réseaux. Je réfléchis à des moyens de les remplacer ; m’abonner à des flux rss sur les sites qui m’intéresse, aller voir des expos, des pièces, prendre les programmes papiers des lieux que je fréquente, créer un blog pour communiquer sur mon travail, envoyer une newsletter.

Ma décision est prise, un dernier post sur facebook pour avertir mes 1003 amis et je désinstalle les applis. Je commence le sevrage. Mais ça passe vite et bien, en quelques jours en fait. Aujourd’hui je vis mieux et chaque moment plus longtemps et je réflechis à la suite de la logique. S’extraire du reste, cultiver l’erreur, le beug, tisser du lien avec le vivant. Adieu fac-insta-book, vous ne me manquez pas. Je finirai peut être triste et conne mais pas à cause de ça.